Raymond Bozier (2004)
Ecrire la ville. Cinq fenêtres sur la ville
Fenêtre sur cour
Il y a toujours, dans les villes, des vieux immeubles construits autour d’une cour intérieure où le soleil, même à son apogée, peine à descendre. Percées d’une multitude de fenêtres, les façades de ces constructions constituent comme les parois d’un grand puits d’ombre humide et viciée. Parfois, un laurier ou un arbre, épuisé par le manque de lumière et la solitude, s’élève tristement dans un coin […]. La musique d’un poste transistor résonne. Une odeur de friture s’échappe d’une cuisine. Une voix d’homme en colère retentit, puis s’apaise. Du linge sèche au-dessus du vide […].
Hôtel, 7e étage
Comme à chaque fois qu’il pénètre dans une nouvelle chambre d’hôtel, le voyageur solitaire éprouve le besoin de regarder par la fenêtre et de s’assurer du dehors. Le volet est fermé. Pour l’ouvrir, il faut tirer sur une ceinture à enrouleur. En dépit de l’heure tardive et du bruit qui va suivre, le voyageur décide malgré tout de lever le rideau. A peine a-t-il commencé de soulever cette sorte de paupière murale, qu’il se surprend à espérer, de façon totalement irraisonnée, que les choses présentes de l’autre côté de la paroi ne soient pas telles qu’il a l’habitude de les voir. Qu’au lieu d’une multitude de cases rectangulaires, plus ou moins éclairées, et perdures dans la grisaille du vide, de tiroirs mal fermés, de boîtes à demi-transparentes, illuminées de l’intérieur, entassées les unes sur les autres, et comme abandonnées dans les airs par des collectionneurs insouciants, il soit soudain confronté aux apparences d’une montagne, d’un lac, d’une mer, d’une prairie ou d’une forêt tropicale éblouissante de verdure, parfumée de fleurs rares, […] résonnant de chants d’oiseaux, de cris d’animaux sauvages, d’insectes…
1er étage d’une maison individuelle à la Pallice
Paysage dénaturé. Il faut vivre là depuis longtemps pour se rendre à la raison des énormes cuves d’essence, érigées aux limites des habitations, longtemps soumises à la rouille avant d’être peintes de couleur beige, puis décorées de larges bandeaux arc-en-ciel, alimentées par un pipe-line venant du port, reliées en leurs sommets par des passerelles métalliques […]. Abandonné à l’écart du hangar, un vieux fourgon blanc à croix rouge de la Protection civile subit l’agression des ronces et des orties.
Baie vitrée d’une cafétéria
… zones commerciales, voies lactées, ô soeurs lumineuses, aplaties derrière vos talus bordés de poteaux en ciment supportant des grillages où s’entortillent des touffes d’herbe jaune et contre lesquels le vent plaque poches en plastique, pages de journaux, prospectus abandonnés. Zones traversées par des lignes à haute tension, reléguées aux abords des villes, là où les rocades s’abandonnent aux ponts routiers ralliant les quatre voies qui filent, entre les stations-service, les hôtels et les restaurants, retrouver au loin les mêmes désastreux décors [...].
Ecrire la ville. Cinq fenêtres sur la ville
Fenêtre sur cour
Il y a toujours, dans les villes, des vieux immeubles construits autour d’une cour intérieure où le soleil, même à son apogée, peine à descendre. Percées d’une multitude de fenêtres, les façades de ces constructions constituent comme les parois d’un grand puits d’ombre humide et viciée. Parfois, un laurier ou un arbre, épuisé par le manque de lumière et la solitude, s’élève tristement dans un coin […]. La musique d’un poste transistor résonne. Une odeur de friture s’échappe d’une cuisine. Une voix d’homme en colère retentit, puis s’apaise. Du linge sèche au-dessus du vide […].
Hôtel, 7e étage
Comme à chaque fois qu’il pénètre dans une nouvelle chambre d’hôtel, le voyageur solitaire éprouve le besoin de regarder par la fenêtre et de s’assurer du dehors. Le volet est fermé. Pour l’ouvrir, il faut tirer sur une ceinture à enrouleur. En dépit de l’heure tardive et du bruit qui va suivre, le voyageur décide malgré tout de lever le rideau. A peine a-t-il commencé de soulever cette sorte de paupière murale, qu’il se surprend à espérer, de façon totalement irraisonnée, que les choses présentes de l’autre côté de la paroi ne soient pas telles qu’il a l’habitude de les voir. Qu’au lieu d’une multitude de cases rectangulaires, plus ou moins éclairées, et perdures dans la grisaille du vide, de tiroirs mal fermés, de boîtes à demi-transparentes, illuminées de l’intérieur, entassées les unes sur les autres, et comme abandonnées dans les airs par des collectionneurs insouciants, il soit soudain confronté aux apparences d’une montagne, d’un lac, d’une mer, d’une prairie ou d’une forêt tropicale éblouissante de verdure, parfumée de fleurs rares, […] résonnant de chants d’oiseaux, de cris d’animaux sauvages, d’insectes…
1er étage d’une maison individuelle à la Pallice
Paysage dénaturé. Il faut vivre là depuis longtemps pour se rendre à la raison des énormes cuves d’essence, érigées aux limites des habitations, longtemps soumises à la rouille avant d’être peintes de couleur beige, puis décorées de larges bandeaux arc-en-ciel, alimentées par un pipe-line venant du port, reliées en leurs sommets par des passerelles métalliques […]. Abandonné à l’écart du hangar, un vieux fourgon blanc à croix rouge de la Protection civile subit l’agression des ronces et des orties.
Baie vitrée d’une cafétéria
… zones commerciales, voies lactées, ô soeurs lumineuses, aplaties derrière vos talus bordés de poteaux en ciment supportant des grillages où s’entortillent des touffes d’herbe jaune et contre lesquels le vent plaque poches en plastique, pages de journaux, prospectus abandonnés. Zones traversées par des lignes à haute tension, reléguées aux abords des villes, là où les rocades s’abandonnent aux ponts routiers ralliant les quatre voies qui filent, entre les stations-service, les hôtels et les restaurants, retrouver au loin les mêmes désastreux décors [...].
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