mardi 25 novembre 2008

villes tentaculaires (12)

Cette ville est un vrai diamant, comme son rocher
Si éblouissant qu'au loin, on souhaiterait le toucher
Tous ces milliards de fruits, de saveurs, de goûts
Que l'on découvre avec délice et avec une énorme gourmandise
On savoure, on savoure tellement
Que l'on peut arriver à se lécher, pas les doigts mais les os.
Cette culture est si vraie, si pure
Ces poulets grillés par le soleil
Souriants, tant attachants
Qui prennent leur temps
Ces chemins étroits
Qui montent jusqu'au ciel
Cette végétation, si magnifique, si imposante
Toutes ces fleurs au mille couleurs
Qui réchauffent les coeurs
Et nous emmènent dans un autre monde
Au-delà du réel, au-delà du paradis
Et qui nous font rêver
Cette ville est celle des fleurs!

lundi 24 novembre 2008

villes tentaculaires (11)

Là-bas,
une ville immense traversée par des millions de gens
les retraités marchent, les enfants courent, les hommes volent
pour ne pas être en retard à leur labeur
Il y a des jeunes qui se comportent
comme des sauvages des jungles.

Et tout là-bas,
Ce sont des voitures qui bouchent les avenues
Ce sont des cheminées qui abîment l'air naturel
Ce sont des bâtiments qui ne laissent pas la place pour des arbres.
Chaque souffle chaque battement de coeur
dans la ville est rempli de vitesse

Les gens sont toujours pressés là-bas
pressés pour sortir de chez eux
pressés pour arriver au bureau
pressés pour être une marche
ou deux en avant de la vie.

villes tentaculaires (10)

Ces milliards d'oliviers
Comme si elle avait mille pieds
A un mille-pattes, elle ressemble
Monstrueux cela me semble.

Ses grandes places
Par ces touristes surpris.
Dix, cent, mille, millions, milliards,
Ces maisons comme des monstres.

Elle me fait peur
Elle m'effraie
Elle est surnaturelle
Elle est incroyablement immonde.

villes tentaculaires (9)

Là-bas,
Six mois de nuit et six mois de jour
Six mois de galère sans y voir clair le soleil scintillant
La nuit est jour
La nuit est joie car ils n'ont pas le choix.
La nuit ne fait qu'un avec le ruelles étroites.
Là-bas
Le haut soleil ne se voit pas
Mais approche à petits pas
Nous sommes dans l'ombre du soleil
Eclipse
Là-bas
Là où le dieu égyptien Rah (Dieu soleil)
ne se réveille
Mais là règne Septro Dieu des ténèbres
Les rues sont vides mais les plus célèbres
Le jour et la nuit ne sont pas toujours opposés
le combat entre Sept et Rah est bientôt terminé,
Le combat acharné arrive à son terme
Mais la ville sort toujours indemne.

villes tentaculaires (8)

Au loin du brouillard,
Avec une étendue d'immeubles,
Aussi grands que la statue de la liberté,
De grands gaillards,
Là-bas,
Admirent çà et là leur oeuvre belle,
Ce sont des Géants exhumés de terre,
Fabriqués par l'Homme,
Cette créature au corps gigantesque,
Où l'on ne voit presque pas le crâne,
Où l'on se sent si petit à côté,
Où l'on voit passer par jour plus
D'un million de gens,
Cette ville où passent les voitures,
Filent les trains, et volent les avions
Tout au long de la journée.
C'est la ville aux mille géants.

ville tentaculaires (7)

Tous les chemins vont vers la ville.
Il y a cette autoroute.
Il y a ce sentier.
Il y a cette route nationale.
Il y a ces périphéries qui se croisent, s'entrecroisent et s'emmêlent.
Tous les monstres de fer les empruntent.
Tous les immenses serpents transportant
des milliers de fourmis s'y arrêtent.
En ville.
Là-bas, des milliers de monstres géants
réfléchissants, éblouissants
y sont postés, tels des soldats en rang.
Aux pieds de ces soldats, la fourmilière s'agite
nuit et jour.
La nuit, la ville s'illumine; elle donne naissance
aux lucioles et aux vers luisants.
Des mouches survolent la ville pour voir si
les fourmis ne s'entretuent pas.
Des abeilles passent, piquent, tuent les soldats,
qui s'effondrent à terre.
Au large, séparé par un monde sous-marin,
se trouve le roi, sur son trône, qui une vue panoramique sur ses soldats, qui lui sont soumis.

villes tentaculaires (6)

Il y a un endroit, vivre avec une population
Il y a un endroit, construire des milliers de maisons
Il y a un endroit, les voitures circulent en plusieurs façons
Rien n'est spécial dans cet espace
Mais cet endroit est surhumain.

Des autoroutes sont croisées en mille façons
Comme des bras d'un personnage
Des voitures roulent par terre, volent au ciel
Comme des fourmis circulent dans tout l'espace
Des avions volent à la vitesse de la lumière
Comme du vent qui passe laisse la trace
Des bâtiments jusqu'au ciel
Comme des amulettes assurent cet espace.

villes tentaculaires (5)

Cette ville n'est pas comme les autres,
Déjà vu la façon dont elle accueille ses hôtes.
Dès leur arrivée elle se prépare au pire,
Pour ceux qui penseraient à fuir.
J'ai vu tous ces bâtiments debout côte à côte,
De là où j'étais je ne voyais pas les côtes,
Pour moi ces bâtiments sont des démons,
Toute la journée a observé tout le monde.
Et dans ces mêmes démons il y a des appartements.
Jolie non d'arbres pour des bâtiments dans la forêt de ciment
On est tous des fourmis à côté de ces monstres.
Et de l'autre côté des nuages le soleil se montre
Les bâtiments dominent la ville
Pour tous ces êtres nous ne commes que de viles
créatures incapables de gérer notre vie
Et pour cela, je les maudis.
Dans cette ville, il y a des monstres aériens
Ceux qui ne semblent avoir peur de rien.
Dans cette ville il y a des monstres terriens
Ceux qui nous dominent et nous traitent comme des "chiens"
Dans cette ville il y a des monstres sous-terriens
Ceux qui nous observent dans notre mort l'air de rien.
Un jour il faudra partir sans elle.
Mais la ville nous laissera beaucoup de séquelles.

villes tentaculaires (4)

Au bout d'un chemin, il y a une ville
où il y a de nombreux habitants.

Il y a des sous-marins qui circulent
dans les océans, comme des requins.
Il y a des fusées qui partent de la planète terre
avec une vitesse extraordinaire.
Il y a des voitures qui gravitent autour des bâtiments
qui vont jusqu'au ciel
comme la lune qui gravite autour de la Terre.

Les rivières limpides qui traversent
sous les ponts musclés de fer et
dans toute la ville.
Les arbres avec des milliers de bras immobiles
à la surface de la Terre.
Le haut soleil cruel frappe à traits redoublés sur
toute la ville.

La ville est effrayante.

villes tentaculaires (3)

Sous ces gros nuages de fumée
Ce sont ces gigantesques immeubles emplumés
qui survolent ce ciel
Ce sont des grands et puissants aigles
Ce sont ces petits aiglons tout là-haut
Avec leur bec pointu pointant vers le ciel
Nous voyons au large ces gros blocs de pierre
qui ressemblent à de puissants onyx.
Mais tout en bas au pied de ces immenses immeubles
Ce sont ces tout petits gens qui courent
et qui gigotent comme des fourmis.
Ce sont ces gros vers de terre qui rentrent et qui
sautent sans arrêt de la Terre.
Mais en haut, tout là-haut dans le ciel
Il y a des petits espions qui gardent cette puissante ville.

villes tentaculaires (2) : la ville fantôme

Tous les matins on entend ce bruit effrayant
Qui oblige tout le monde à évacuer
Les lampadères s'illuminent peu à peu
Comme des lucioles en sang qui volent de tous côtés

Les rues sont comme des serpents qui bougent sans cesse
Sans pouvoir attraper leurs proies
A travers toutes ces brumes
C'est la ville fantôme

mardi 18 novembre 2008

crépuscules (8): le lever du soleil

Après une nuit merveilleuse, mon corps s'anime,
J'ouvre les yeux attristée par le réveil
Pas un bruit n'arrive à mes oreilles.
Je me lève, à moitié endormie.
Il fait noir, sombre.
Soudain, une chose s'illumine.
Le soleil se lève.
Les rayons lumineux me font fermer les yeux.

Les ouvriers arrivent sur les chantiers.
Les bureaucrates démarrent leurs voitures, leurs motos.
Que de bruit!

*

La nuit se finit. Les rêves sont interrompus par le réveil qui sonne. Les yeux s'ouvrent à moitié, puis entièrement. Les corps se lèvent tous, un par un. Ils sont fatigués, tristes, de se lever, ils traînent des pieds.
Je me rappelle la clarté du soleil levant, arrivant dans mes yeux, le jour dernier.

crépuscules (7)

Le réveil chantait dans ma chambre
C'est le jour du matin qui vient me demander
Bonheur, Heureux, Joyeux
Tous ces thèmes de sentiment
Signifient le matin

Nouveau jour, nouvelle mission
Nouveau jour, nouveau travail
Nouveau jour, nouvelle expression
Nouveau jour, nouveau monde

Le matin, la cuisine, est le bureau de maman.
La préparation du petit déjeuner
Elle commence son travail de la journée
Voilà, le matin est le début du jour.

*

Le soleil se lève, je commence à me réveiller. Le jour du matin est porte de bonheur, heureux et joyeux. Le soleil à travers ma fenêtre me fait un signe de salut.
Tout le monde a commencé à faire la préparation de la journée, comme ma mère se réveille tôt et travaille dans la cuisine pour nous préparer le petit-déjeuner.
A travers ma fenêtre, je me suis rendu compte que tous les autres sont comme nous. Ils marchent dans la rue comme s'ils avaient commencé leur jour de travail.
Voilà, le nouveau jour arrive, nous commençons nos nouveaux travaux. Le monde devenu nouveau, tous les malheurs sont restés hier. Nouveau jour, nouveau monde et nouvelle vie.

lundi 17 novembre 2008

villes tentaculaires

Tous les chemins vont vers la ville.

Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d'un rêve, elle s'exhume.

Là-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l'air ;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgones ;
Ce sont des tours sur des faubourgs ;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits :
C'est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.

Des clartés rouges
Qui bougent
Sur des poteaux et des grands mâts,
Même à midi, brûlent encor
Comme des oeufs de pourpre et d'or ;
Le haut soleil ne se voit pas :
Bouche de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée.

[…]

Et tout là-bas, passent chevaux et roues,
Filent les trains, vole l'effort,
Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues
Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or.
Des rails ramifiés y descendent sous terre
Comme en des puits et des cratères
Pour reparaître au loin en réseaux clairs d'éclairs
Dans le vacarme et la poussière.
C'est la ville tentaculaire.

[…]

(Emil Verhaeren, "La ville", Les campagnes hallucinées)

crépuscules (6): le crépuscule du matin à aubervilliers

Le ciel bleu et blanc
Le bruit des enfants,
S’agite dans les rues
L’odeur du lait cru

Ouvre notre appétit
On entend le cri des petits
On voit les fruits de l’épicier
Et le mendiant au chapeau rouge me fait pitié

Je me sens heureux !
J’ai envie d’être pieux !
Je me sens bien le matin,
Comme si j’étais un lapin

*

O beau matin, quelle aventure. Je vis chaque matin un mendiant fou au chapeau rouge et toujours présent chaque matin, mais un jour, il était vraiment ivre et se mit à danser la salsa et renversa tous les fruits de l’épicier, les enfants crient de peur, les hommes vont travailler et moi au milieu de la foule. Je ris !

crépuscules (5)

Le soleil se réveille,
Le ciel redevient bleu
Et les réveils qui sonnent
Qui nous coupent nos rêves.

Les oiseaux chantent.
Les fleurs et les herbes dansent.
Les personnes rigolent.

Des petits déjeuners sur la table.
Et une famille heureuse avec toute la joie.

*

Le jour arrive. Les réveils qui sonnent, et c’est la fin de nos rêves. A travers la fenêtre, on peut voir que les oiseaux, les fleurs, les arbres sont réveillés aussi : ils chantent et dansent. Et il y a des personnes qui parlent et rigolent.
Dans une salle à manger, il y a des petits déjeuners préparés par les mamans, et on mange avec une joie. Après, on part au travail et on commence notre nouvelle journée.

crépuscules (4): demoiselles, après la danse

Une fois le cours de danse fini
Les élèves sortent de la salle de danse
Comme un troupeau de fourmis
A la sortie du gymnase, les parents,
En attendant leurs enfants, bavardent,
Comme des petits de maternelle,
Accompagnés de leurs animaux domestiques, ils les caressent
Comme un enfant caresse sa peluche quand il dort.
O petites demoiselles, demoiselles si belles !
Qui voudraient un jour devenir danseuses modèles !
Je les regarde avec épanouissement et admiration
Devenir de jolies jeunes filles.
En passant devant moi elles me donnent un baiser,
Un baiser très chaleureux qui restera gravé !

crépuscules (3): l'heure de pointe

Voici venu l’enchanteur
L’Homme qui accueille les chanteurs :
Les gitans, les marchands
Les voleurs, les passants.

Certains vont et d’autres reviennent
Il y en a qui portent la semaine.
Une fois que nos pieds l’ont poussé.
Nous le laissons nous emporter.
Il est comme un dieu pour nous.
Avec lui nous allons partout.
Le bruit produit par celui-ci
Sonne comme une sublime mélodie.
Mais prenez garde à ce décor
Certains même le regrettent encore
Le paysage du sublime
C’est avec le temps qu’il s’abîme

Et dire que maintenant à ma promesse je faillis
Ne jamais penser au passé que puis-je dire aujourd’hui ?
La ville a bien changé depuis l’époque et je réalise
Qu’elle n’est pas toujours belle c’est une mère qui l’enjolive.

O rail, ô métro qui sur nous a une emprise dévastatrice.
Toi qui de Paris as enlevé tous les délices
Tu as sur nous un étrange pouvoir
Qui a pour conséquence de nous émouvoir.
Il fait peut-être beau aujourd’hui
Mais sur mon cœur tu as fait tomber la pluie.

crépuscules (2): le crépuscule du matin

Voici le matin. Le ciel
Ouvre lentement ses projecteurs sur la ville,
Et l’homme fatigué se lève pour aller travailler
O jour, indésiré par celui que le travail
Appelle. C’est le matin que les Hommes honnêtes,
Dévorés par une fatigue sauvage,
S’éveillent lourdement,
Tout en ayant une envie grande comme
Le monde, de rester dans leurs nids douillets,
Qui pendant la nuit,
Avait effacé tous leurs soucis.

*

Le matin se lève. Le grand désarroi se fait dans les esprits fatigués pensant à la journée qu’ils vont passer. Le crépuscule fatigue les Hommes. Je me souviens que j’ai eu deux amis qui dormaient le jour et vivaient la nuit. Les deux étaient complètement déboussolés, ils étaient comme des chauve-souris, car ça les énervait de se lever tôt pour aller travailler. Les deux se sont trouvés un travail de nuit. Et bien qu’ils soient contents de travailler de nuit, je me dis que la nuit c’est fait pour dormir. O matin ! vous êtes pour moi le signal de me lever, et l’énorme envie de pouvoir encore rester dormir dans mon nid douillet.

crépuscules

Voici le soir charmant, ami du criminel ;
Il vient comme un complice, à pas de loup; le ciel
Se ferme lentement comme une grande alcôve,
Et l'homme impatient se change en bête fauve.

O soir, aimable soir, désiré par celui
Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui
Nous avons travaillé! - C'est le soir qui soulage
Les esprits que dévore une douleur sauvage,
Le savant obstiné dont le front s'alourdit,
Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit.
Cependant des démons malsains dans l'atmosphère
S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire,
Et cognent en volant les volets et l'auvent.
A travers les lueurs que tourmente le vent
La Prostitution s'allume dans les rues;
Comme une fourmilière elle ouvre ses issues;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main;
Elle remue au sein de la cité de fange
Comme un ver qui dérobe à l'Homme ce qu'il mange.
On entend çà et là les cuisines siffler,
Les théâtres glapir, les orchestres ronfler;
Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices,
S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices,
Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci,
Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,
Et forcer doucement les portes et les caisses
Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.

Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment,
Et ferme ton oreille à ce rugissement.
C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent!
La sombre Nuit les prend à la gorge; ils finissent
Leur destinée et vont vers le gouffre commun;
L'hôpital se remplit de leurs soupirs. – Plus d'un
Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,
Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.

Encore la plupart n'ont-ils jamais connu
La douceur du foyer et n'ont jamais vécu !

(Baudelaire, "Le crépuscule du soir", Les Fleurs du mal)

*

Le jour tombe. Un grand apaisement se fait dans les pauvres esprits fatigués du labeur de la journée ; et leurs pensées prennent maintenant les couleurs tendres et indécises du crépuscule.
Cependant du haut de la montagne arrive à mon balcon, à travers les nues transparentes du soir, un grand hurlement, composé d'une foule de cris discordants, que l'espace transforme en une lugubre harmonie, comme celle de la marée qui monte ou d'une tempête qui s'éveille.
Quels sont les infortunés que le soir ne calme pas, et qui prennent, comme les hiboux, la venue de la nuit pour un signal de sabbat? Cette sinistre ululation nous arrive du noir hospice perché sur la montagne; et, le soir, en fumant et en contemplant le repos de l'immense vallée, hérissée de maisons dont chaque fenêtre dit: «C'est ici la paix maintenant; c'est ici la joie de la famille!» je puis, quand le vent souffle de là-haut, bercer ma pensée étonnée à cette imitation des harmonies de l'enfer.
Le crépuscule excite les fous. – Je me souviens que j'ai eu deux amis que le crépuscule rendait tout malades. L'un méconnaissait alors tous les rapports d'amitié et de politesse, et maltraitait, comme un sauvage, le premier venu. Je l'ai vu jeter à la tête d'un maître d'hôtel un excellent poulet, dans lequel il croyait voir je ne sais quel insultant hiéroglyphe. Le soir, précurseur des voluptés profondes, lui gâtait les choses les plus succulentes.
L'autre, un ambitieux blessé, devenait, à mesure que le jour baissait, plus aigre, plus sombre, plus taquin. Indulgent et sociable encore pendant la journée, il était impitoyable le soir; et ce n'était pas seulement sur autrui, mais aussi sur lui-même, que s'exerçait rageusement sa manie crépusculeuse.
Le premier est mort fou, incapable de reconnaître sa femme et son enfant; le second porte en lui l'inquiétude d'un malaise perpétuel, et fût-il gratifié de tous les honneurs que peuvent conférer les républiques et les princes, je crois que le crépuscule allumerait encore en lui la brûlante envie de distinctions imaginaires. La nuit, qui mettait ses ténèbres dans leur esprit, fait la lumière dans le mien ; et, bien qu'il ne soit pas rare de voir la même cause engendrer deux effets contraires, j'en suis toujours comme intrigué et alarmé.
O nuit! ô rafraîchissantes ténèbres! vous êtes pour moi le signal d'une fête intérieure, vous êtes la délivrance d'une angoisse! Dans la solitude des plaines, dans les labyrinthes pierreux d'une capitale, scintillement des étoiles, explosion des lanternes, vous êtes le feu d'artifice de la déesse Liberté! […]

(Baudelaire, "Le crépuscule du soir", Petits poèmes en prose)

*

La diane chantait dans les cours des casernes,
Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.

C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants
Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents ;
Où, comme un œil sanglant qui palpite et qui bouge,
La lampe sur le jour fait une tache rouge ;
Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd,
Imite les combats de la lampe et du jour.
Comme un visage en pleurs que les brises essuient,
L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,
Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer.

Les maisons çà et là commençaient à fumer.
Les femmes de plaisir, la paupière livide,
Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide ;
Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids,
Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.
C'était l'heure où parmi le froid et la lésine
S'aggravent les douleurs des femmes en gésine ;
Comme un sanglot coupé par un sang écumeux
Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux ;
Une mer de brouillards baignait les édifices,
Et les agonisants dans le fond des hospices
Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux.
Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux.

L'aurore grelottante en robe rose et verte
S'avançait lentement sur la Seine déserte,
Et le sombre Paris, en se frottant les yeux
Empoignait ses outils, vieillard laborieux.

(Baudelaire, "Le crépuscule du matin", Les Fleurs du mal)